#L’œil Éclos n°5 – Markus Akesson

Il se retourne et me regarde. J’aimerais lui parler, lui demander de rentrer, de me ramener chez moi mais rien n’y fait, je reste pétrifiée face à cette tête blonde d’une beauté pure et sans artifice.
Le fin trait rouge qui parcourt son bras frêle confirme ma pensée, l’enfant n’est pas seul.
Les autres sont cachés, sans doute dans les arbres, ils préparent leur prochain mauvais coups. On ne peut pas leur en vouloir, vous auriez fait la même chose à leur place: une bande de morveux dans un monde où l’on ne grandit pas, où l’on reste enfant.
J’aperçois au loin l’arbre du pendu et cette cabane perchée, peut être dorment-ils.
Les enfants perdus dorment ou se bagarrent, en même temps il faut bien avouer que ces indiens sont coriaces et que bien souvent ils le méritent.

Il continue de me regarder mais ne reconnait pas les traits de l’enfance effacés par le temps. Je m’approche, je voudrais lui expliquer mais je me demande si il comprendrait, peut être qu’après tout ce temps nous ne parlons simplement plus la même langue.
Je lui souris il penche la tête et je comprends : j’attrape mes deux oreilles du bout des doigts, je tire la langue et tente d’apercevoir le bout de mon nez.
Ses yeux s’écarquillent, il reste transis quelques instants entre stupéfaction et émerveillement.
je le laisse partir, courir à toute jambe. Bientôt ils seront tous là.

L’attente est interminable. Cela fait des années que j’attends ce moment : de revenir ici, de tout leur raconter.
J’entends des cris, des bruits de pas puis je les aperçois, tout les six. Ils n’ont pas grandis, ils n’ont pas changé.
Ils arrivent à ma hauteur.
« Peter Pan c’est bien toi? » .

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