#L’œil Éclos n°3 – Laure Prouvost

Une poêle qui se balade au dessus de nos têtes, accrochée à la cime d’une branche recouverte de coquilles d’œufs cassées dont le jaune encore frais va bientôt faire une petite tâche jaune sur le parquet de la pièce.
On ne voit qu’elle, volets ouverts dans la rue, en rentrant, dominant toutes les œuvres comme une délicieuse illusion printanière.

Cette œuvre est comme figée dans le temps.
La sculpture de Laure Prouvost me transporte dans un monde bucolique, les teintes rappelant étrangement celle d’un cerisier en fleur.
Cette vision me semblerait tout droit sortie de mon imagination, la nature traverse les murs et s’invite dans nos maisons: une idée dans l’air du temps.
Un oiseau est perché, fixant tristement la poêle. Il n’est pas à sa place dans cette salle, il a été amené ici avec cette branche. J’y vois comme une allégorie, celle du mal qui ronge nos forêts et prive la faune de leur habitat. Notre culture au profit de leur disparition, une image très engagée.

« Que cache la poêle? », c’est la question que l’on se pose au premier regard. On contourne l’œuvre, doucement, le long d’une mise à distance faite à l’adhésif blanc.
Sur la pointe des pieds je tente de découvrir son contenu: un œuf.
Tarzan s’est fait cuir des œufs. On voit encore ses traces de doigts le long de la branche qu’il a escaladé.
Il n’est pas facile de cuisiner perché en haut d’un arbre, les coquilles cassées laissent penser que ce sauvage est plus adroit à grimper aux arbres qu’à préparer le petit déjeuner: pas étonnant quand on sait que ce bon vieux Tarzan fait tout avec ses pieds.
Il s’en est allé, son foyer détruit. Une espère rare encore disparue comme pour allonger le tableau de chasse de l’espèce humaine.

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