#L’œil Éclos n°4

Les mains tendus, ils essayent désespérément, semble-t-il, de saisir quelque chose d’invisible, le néant.

Ces hommes arrachés à leur décor, étalés sur fond noir, deviennent une fin en soit. Une partie devient alors un tout, une œuvre synecdoque où les personnages paraissent sortis de nul part, où chaque bras semble appartenir au même homme, une réincarnation de Kali, déesse excessivement membrée.

Ce lugubre engouement laisse à son spectateur le soin d’en spéculer lui même la cause. Un match de foot? Un concert? Mais pourquoi une telle tristesse?
Comme un adieu symbolique, une main tend un mouchoir. Image métaphorique.

Cette abandon de soi, une référence à la pyramide sinistre de Géricault qui offre au tableau de Matthieu Boucherit une vision macabre. Ces hommes se raccrochent à la vie, ou à la mort.
Le visage perdu au milieu de cette cohue est alors peint d’une affliction qui laisse sans voix.
On se perd facilement à tenter désespérément de déterminer le sens de cette toile avant de se rendre compte qu’elle n’a de sens qu’elle même, que chacun devient alors libre de choisir. Quand je vois une souffrance, certains voient un visage simplement pantois et des mains animées par l’espoir.

On découvre alors l’intérêt singulier de cette œuvre: l’imagination.
Une photographie dont on a retiré le fond, un acte dont on a retiré l’argument.

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