#L’œil éclos n°19

Marilou, 23 ans, en service civique avec La Fabrique de l’Esprit® nous offre son regard sur les œuvres de la collection Francès.

Donato Piccolo, Hors de qui je suis, 2007, pièce unique, vêtements, résine, élément robotique, 170 x 80 x 30 cm © Collection Francès

« C’est l’histoire d’un petit garçon, qui rentre tous les soirs de l’école, silencieux, le regard fuyant, vide. Il ne veut croiser le regard de personne, ni même celui de ses parents, il n’a pas la force de s’exprimer. Il se lève chaque matin, sans avoir vraiment dormi. Il doit se faire petit, recourber sa tête, porter des vêtements amples, sombres et passe-partout. Il aimerait disparaître, mais poursuit ce cycle infernal, faute d’un choix meilleur pouvant s’offrir à lui. L’autre choix lui semble libérateur mais anéantirait ses parents, déjà si inquiets et impuissants à la fois.

Cette œuvre pourrait être le reflet du quotidien de milliers d’enfants, qui subissent le harcèlement à l’école, un isolement forcé face à ce monde d’adultes inaptes. Intitulée « Hors de qui je suis » elle représenterait une forme d’aliénation que nous impose la société, réticente aux différences, et favorisant l’emprise des plus faibles, des plus jeunes avec cruauté, lesquels subissent une dite normalité sans référence autre. Cette aliénation est accentuée par les matériaux utilisés, notamment par l’élément robotique, opérant inlassablement le même mouvement. Ce dernier est violent, répétitif et obsessionnel.

La résine noire, opposée à ce mur blanc lisse et solide renforce encore davantage la violence du mouvement. L’enfant se trouve dans un coin, à l’image de l’humiliante punition réservée aux éléments perturbateurs. Cependant, la punition qu’il subit, il ne la comprend pas. Elle ne s’explique pas et provoque en lieu une quête à se taper la tête contre le mur.

Que reste-t-il de pensées dans l’esprit de cet enfant ? « Suis-je si différent des autres ? Pourquoi? Quel est mon problème?».

Sa tête est littéralement ailleurs, elle se décroche de son corps. Dénué de toute trace de joie, il ne trouve désormais le repos que dans la souffrance, et peut-être, il l’espère, qu’il finira par passer de l’autre côté du mur pour échapper à un quotidien insoutenable. Sa tête est sur le point de se détacher complètement, à la fois de ce monde et de ce corps, tombeau de l’âme, socle de toute matérialité qui l’empêche de s’évader. Ce mouvement s’ancre au plus profond d’une voie sans issue ».

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