Africa 2020

En cette année 2021, nous retrouvons un événement artistique de grande ampleur en dépit du contexte pandémique, qui aurait pu en sonner le glas : Africa 2020. Il est devenu urgent depuis la Biennale de Venise en 2019, dont le pavillon africain stupéfia par sa richesse artistique, de mettre à l’honneur ce prolifique et immense continent souvent oublié par l’Europe. L’Afrique, qui fut longtemps empreinte d’une image coloniale d’artistes traditionnels, ancrée dans les racines de leur culture autochtone, mérite véritablement à s’épanouir au-delà de ses frontières et à mettre à l’honneur ses ressources. Grâce à l’événement Africa 2020, l’on souhaite montrer la place primordiale que prend le continent dans la scène artistique contemporaine, que ce soit au sein du marché de l’art, avec des artistes dont la cote ne cesse de monter comme Enam Ghewonyo, ou dans la production artistique, avec de nouveaux artistes propulsés sur le devant de la scène, tels que Georgia Maxim, ou Josefà Ntjam.

Cette saison, extrêmement fragilisée par la pandémie, s’adapte pour maintenir sa programmation malgré une visibilité réduite. N’Goné Fall, commissaire générale de la saison Africa 2020, nous apprend dans le magazine Beaux-arts de février 2021 que l’événement a été ajusté pour les plateformes numériques. De cette façon, un colloque scientifique s’est produit sur Zoom et les réseaux sociaux relaient les artistes à l’honneur, afin de faire patienter le public, mais aussi les musées et les FRACs qui dédient leurs espaces à la saison. Nous pouvons penser au musée d’Art moderne de Paris, qui s’est investi dans la saison Africa 2020 en réalisant l’exposition « The Power of my Hands ». Cette exposition met en avant la création manuelle majoritairement féminine, photographie, poterie, broderie, peinture…

Les créatrices narrent à travers leurs œuvres une intimité brimée et taboue, mettant en lumière les difficultés d’un monde patriarcal à l’histoire coloniale. C’est notamment le cas de l’artiste Enam Gbewornyo, qui emploie des collants couleur chair dans ses œuvres, les seuls longtemps disponibles sur le marché. Le pouvoir de l’intime est démontré dans sa violence et son pouvoir politique. La saison Africa 2020 se veut donc être un espace d’expression, poétique et politique, pour ses artistes.

La saison est également un terreau fertile pour la création artistique. Des résidences d’artistes sont mises en place, comme celles que la Fabrique de l’Esprit a réalisé en partenariat avec la cité internationale des arts de Paris et l’institut Français. En 2019, la Fabrique de l’Esprit reçu donc Aimé Mpané, qui réalisa la série « mes-tissages », et en 2020 l’artiste Malebona Maphutse.

Africa 2020 revêt également un aspect pédagogique moins connu du grand public, mais qui comprend trois cents projets d’échange entre la France et l’Afrique. Des étudiants attendent des conditions sanitaires plus favorables pour pouvoir voyager, tout comme les artistes. L’UNESCO et l’Éducation Nationale ont également signé une convention pour promouvoir l’Histoire artistique africaine dans l’enseignement. Membre du mouvement des clubs français pour l’UNESCO depuis 2017, la Fabrique de l’Esprit s’inscrit dans cette démarche pédagogique, elle organise notamment un dispositifs complet au lycée Pierre Mendès à Péronne, et au lycée Jules Urhy à Creil dans l’Oise, sur le thème Africa 2020.

Les élèves créent une réflexion autour des œuvres d’artistes africains, tels que Pascale Marthine Tayou, ou Lynette Yadom-Boakye, dont certaines œuvres sont présentes dans la collection Francès. Par le biais de ces ateliers, les élèves découvrent l’histoire et les expérimentations de ces artistes, souvent binationaux tant les migrations culturelles les incarnent. Pascale Marthine Tayou crée des œuvres en chocolat, des objets du quotidien qu’il hybride et interprète pour croiser et interroger les regards entre continents africain et européen. Lynette Yadom-Boakye, quant à elle, peint en un jour des scènes du quotidien suspendues dans le temps.


Figure 1 : Pascale Marthine TAYOU, Poupée Pascale (Passeport Bantou 09), 2001, Cristal, chocolat, techniques mixtes, 60 x 25 x 18 cm, © collection Francès, Senlis

Le but pédagogique de cette saison est de faire découvrir des artistes méconnus du jeune public français, tout en créant un dialogue avec ces artistes et leur production. L’étude de leurs œuvres, dont la collection Francès se fait témoin, déplace un point de vue euro centré vers une vision polycentrique de l’art.

Figure 2 : Aimé Mpane Enkobo, Série On crève ici, 2007, Portrait gravé et peint sur bois : taille directe à l’herminette de panneaux de bois multiplexface aux modèles, acrylique, 31 x 32 cm, © collection Francès, Senlis

 

 

 

Image à la une : Lynette YIADOM-BOAKYE, A Quarter, 2013, Huile sur toile, 200x160cm, © Collection Francès, Senlis.

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