L’oeil éclos #24

Léa 24 ans, en service civique recherche et documentation avec La Fabrique de l’Esprit® nous offre son regard sur les œuvres de la collection Francès.

Annie Leibovitz, JOHN LENNON AND YOKO ONO, NEW YORK 1980, Tirage au platine, édition 30/30, 1980,© Collection Francès

Une chambre. L’intimité. L’amour. L’amour, vraiment ? Quel est ce curieux portrait de couple au cadre parfaitement équilibré ? Je les connais, je les ai déjà vus. Dans des magazines, à la télévision, sur de vieilles images d’archives aux couleurs saturées par le grain de la pellicule. John Lennon et Yoko Ono, amants, amoureux. Ils sont enfermés dans ce petit cadre carré, parfaitement noir et fort. Allongés sur une moquette que je devine beige, ils s’enlacent. Plutôt, il l’enlace. Je suis frappée par le déséquilibre que je vois. Lui, totalement nu, s’accroche à elle de tout son être. Chaque fragment de sa personne est en contact avec sa femme, et il l’embrasse tendrement sur la joue. Son bras gauche fait le tour de sa tête, comme s’il souhaitait capturer son visage – comme un objectif ? -. Les yeux fermés, il est l’instant de tendresse emprisonné par la pellicule. Elle ne l’est pas.

Habillée, le visage fermé, Yoko Ono est allongée. Les bras derrière la tête, on la prend à rêver. Elle n’est pas là, elle s’absente de son regard. Elle est présente dans les yeux clos de l’homme qui l’étreint. Toute de noire vêtue, elle coule sur le sol, se répand. Il la retient, la supplie de ses mains de rester, de le voir comme il la voit. Mais elle ne le touche pas, elle ne le regarde pas, il n’existe pas. Son abondante chevelure de jais se fond dans le cadre et elle devient leur geôlier. Ils sont là, figés par l’étreinte de l’objectif d’Annie Leibovitz, déséquilibrés pour l’éternité comme un Yin et un Yang humain. La chaleur de John Lennon, nu, vulnérable, contraste l’indifférence de Yoko Ono. Ensemble, ils forment un couple au déséquilibre parfait. Le blanc et le noir, l’amour et l’indifférence, la dévotion et l’échappée. Tout cela capturé en un instant sur un tapis d’une chambre d’hôtel.

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