Vendredi Lecture – Nobuyoshi Araki – Bondage.

Entre les cordes et les nœuds, on y voit de jeunes femmes. Prenant la pose dans des styles plus ou moins acrobatiques, souvent explicite mais parfois timide. Cette caisse en bois abrite une forme d’intimité, enregistrée par le très grand photographe japonais Nobuyoshi Araki.

Encré dans le quotidien, l’intime et l’érotisme, son travail n’en demeure pas moins transgressif. Montrant frontalement la nudité et jouant avec les fétichismes, il n’hésite à prendre certains clichés dans des espaces publiques. Cependant son œuvre définit et reflète la culture japonaise, bien souvent bâti autour d’une imagerie rappelant les traditions de son pays via le port du kimono par exemple, il s’attarde sur une pratique traditionnelle : celle du Kinbaku, également connu sous le nom de bondage. Même si souvent considéré comme tabou, il s’agit d’un art (souvent sexuel) bien présent au Japon, consistant à entraver une personne à l’aide d’une corde en traçant des formes géométriques. Araki s’impose en conséquence comme le symbole d’une contre-culture japonaise, photographiant des prostitués et collaborant avec des clubs subversifs.

Cette boîte qui fait l’objet de ce vendredi lecture, s’avère être une édition collector rassemblant les photos de bondage préférées de Araki, environ 600, réparties sur trois livrets cousus à la main et signé par l’artiste en personne. Travaillant sur l’atmosphère de ses photographies, l’érotisme ressort par un bleu qui semble timide mais bien présent. L’univers nous rappelle le film l’Empire des Sens (1976) de Nagisa Ōshima, là où l’amour collabore avec un érotisme qui peut sembler déviant, quasiment macabre. Osant lui aussi échapper à la censure des organes génitaux comme il en est coutume au Japon. Certaines photos peuvent laisser apparaître un jouer en plastique, représentant des dinosaures ou d’autres animaux, ils sont le symbole de l’appareil reproducteur masculin, des animaux arborant de longues queues à l’image du serpent. La masculinité n’étant que suggérée, cela laisse toute la place à la représentation féminine, une volonté à contre courant dans l’univers qu’il représente, là où la femme devait se faire discrète.

Via l’édition de ce coffret en bois réalisé selon la tradition japonaise, Araki nous montre tout l’étendu de son talent via une sélection soignée et évoquant une thématique très forte pour lui. Osant mêler transgression et tradition, il est le représentant d’une subversion nationale, sortant des chemins habituels nous montrant l’érotisme, la vie et la déviance de ce qui l’entoure. Une fine route reliant la pornographie et l’art, dans une maîtrise incroyable de son environnement. Nobuyoshi Araki au travers de sa carrière extrêmement prolifique aura su nourrir notre imagination et nous montrer l’extase et parfois la tristesse d’une vie riche qu’est la sienne et celle de sa culture.

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